« Saint Augustin parlait de la création comme d’une première Bible. Aussi prend-on possession du monde comme d’un livre : en l’ouvrant. Contempler la nature, dans sa grandeur comme en ses moindres détails, ce sera aussi la lire, la méditer, la prier, suivant en cela les traversées de la lectio. »
Philippe Mac Leod, in Christus (233)
Les quatre degrés de la lectio divina, lecture savoureuse des écritures sont : la lectio, la meditatio, l’oratio et la contemplatio.
Voir l’ouvrage de Joseph-Marie Verlinde Initiation à la lectio divina (éd. Parole et Silence).
« Au point de départ — et d’ailleurs tout au long du chemin — nous trouvons la lectio. Ce mot ne revêt pas chez Pierre de Celle le sens technique que l’École lui a donné, celui d’une « leçon » pendant laquelle un maître fait le commentaire d’un texte : la vie contemplative se passe d’un tel enseignement. La lecture spirituelle n’est pas de caractère scientifique ; c’est, au contraire, une lecture de sagesse : on y savoure un texte, celui-ci n’est donc pas seulement, comme dans l’usage scolastique, l’occasion pour l’intelligence d’élucubrer des constructions spéculatives qu’elle tire de son propre cru. La lecture spirituelle est un dialogue d’amour : le cœur s’y laisse toucher par ce que Dieu lui dit et donne sa réponse. C’est la lecture qui fait de la prière une « conversation avec Dieu ». Les bienfaits qu’un tel entretien apporte à l’âme, il suffit, pour les apprécier, de lire la deuxième partie du De afflictione. La lecture est, par elle-même, un moyen de maintenir l’âme en contact avec les réalités surnaturelles ; elle délivre l’esprit des pensées inutiles ou nuisibles. Elle est consolation, aliment, condiment, relèvement, respiration, lumière. Elle compense les aspérités de l’ascèse, elle équipe l’esprit de mille boucliers qui le protège contre les attaques du démon. Elle nourrit, elle illumine, elle secourt, elle guérit. Elle aide à profiter de tous les biens, à remédier à tous les maux. Elle restaure, elle fortifie, elle enivre. Elle s’adapte au goût de chacun. Elle est la clef de la divine sagesse, dont elle trouve les trésors et fait admirer les beautés. Tout cela ne peut résulter d’un effort intellectuel, si intense soit-il, mais d’une activité qui est déjà essentiellement mystique : elle ne vise pas à préparer le moine à une œuvre extérieure à sa propre contemplation, elle est l’effet d’une grâce infuse et elle exige, pour être fructueuse, des dispositions d’humble recherche et non de vaine curiosité. La lecture ainsi entendue suppose la pratique de l’ascèse et la fréquentation des sacrements, et une vie entièrement accordée à ce que Dieu, dans ce secret colloque, murmure à l’âme et attend d’elle : pour résumer d’un mot ce qui lui donne son efficacité et sa valeur, on peut dire que c’est une lecture priée. »
Jean Leclercq, in La spiritualité de Pierre de Celle (1115-1183)