21.3.12

Affection mutuelle (la flaque)

3 min _ V 2012
coul. _ 4:3 _ mini-dv




Portrait d'une flaque sur un chemin avec laquelle j'entre en relation. Expression d'une énigme en mouvement. Méditation du lieu sur laquelle apparaît une pensée de Jean de la Croix.









Vidéographie intégrale :





Affection mutuelle (le chardon)



3 min 15 _ IV 2012

coul. _ 4:3 _ mini-dv




Portrait d'un chardon avec lequel j'entre en relation. Expression d'une énigme en mouvement. Méditation du lieu sur laquelle apparaît une pensée de Jean de la Croix.










Vidéographie intégrale :




Affection mutuelle (la toile)

5 min 30 _ V 2012
coul. _ 4:3 _ mini-dv



Portrait d'un mûrier avec lequel j'entre en relation. Expression d'une énigme en mouvement. Méditation du lieu sur laquelle apparaît une pensée de Jean de la Croix.






















Vidéographie intégrale :





Affection mutuelle (les mûres)

5 min 40 _ V 2012
coul. _ 4:3 _ mini-dv


Portrait de mûres, "nature morte" dans un roncier avec laquelle j'entre en relation. Expression d'une énigme en mouvement. Méditation du lieu. Lueur.

Centre de cette déclinaison avec des pensées de Jean de la Croix, c'est la seule des cinq vidéographies à ne comporter aucune citation directe du saint. Peut-être est-ce parce que, dans cette pénombre, la dramatique visuelle & sonore suffit à suggérer ce qu'est la nuit obscure ?






« La nuit est l'indispensable expression cosmique du monde mystique tel que l'envisage saint Jean de la Croix »      Edith Stein






Vidéographie intégrale :





Je désire faire provenir le grondement du vent, comme un orage présent dans « Les mûres », de la cabine que l'on devinera d'abord, adossée au mur opposé à l'entrée.
Dans un deuxième temps, le visiteur verrait l'image par la fenêtre de la cabine qui est une cellule.





18.3.12

Affection mutuelle (chardons blancs)

5 min 25 _ IV 2012
coul. _ 4:3 _ mini-dv




Portrait d'un buisson épineux & cotonneux avec lequel j'entre en relation. Expression d'une énigme en mouvement. Méditation du lieu sur laquelle apparaît une pensée de Jean de la Croix.











Vidéographie intégrale :






Cette vidéographie est à l'origine de la déclinaison des Affections mutuelles.
Ce lieu, avec le paysage en arrière plan, (en Eglars, à Noyers-sur-Serein), et ma situation de contempler la nature en la filmant, entraient, pour moi alors, en résonance avec La Nuit Obscure de Jean de la Croix. Toujours.

15.3.12

La fatigue du vidéographe

Pour le vidéographe, le lieu est un autre.
Dans la durée, je le contemple, le découvre, en donne une image.
Que se passe-t-il quand, au sein même du geste de filmer, la fatigue pointe dans le corps du vidéographe & influe sur l'image ?
Qu'est-ce que la fatigue signifie ?
Continuer à filmer malgré tout, malgré la fatigue, c'est assumer l'incidence qu'elle a dans ma relation au lieu & sur l'image.
C'est reconnaître la vulnérabilité du vidéographe & l'intégrer à la vidéographie — qui est graphie visuelle & visible de ma relation au lieu.

Le lien à la lumière, dans ma quête spirituelle d'un lieu, avec les moyens que me donne mon corps & ma perception, est central. Quand je filme, il s'agit toujours d'une traversée dont j'ignore l'issue. Je suis alors animée par un appel à entrer en relation avec le lieu. Il y est souvent question d'endurance d'une peine physique à filmer dans la durée, & de patience. Filmer devient un acte de foi, au sein du processus perceptif, en la découverte d'un « je-ne-sais-quoi » qui n'était pas visible avant le geste filmique. 
Peut-être que ce « je-ne-sais-quoi » objet de ma quête, réside dans le manque, le creux, la fatigue même… qu'il m'est donné de trouver dans la persévérance.


(Je parlais d'"ordalie" pour expliciter la "fatigue du poignet à filmer", dans le texte accompagnant le processus de création de la vidéographie "Jehanne 2006" de "Pour en finir avec Jeanne d'Arc" (2006) : http://santreuil.blogspot.com/2007/09/pour-en-finir-avec-jeanne-darc.html)



----- Agata Zielinski « Lecture de Levinas »* -----

« (…) voir comment s'articulent corps, souffrance et passivité.

« Cette façon pour la mort de s'annoncer dans la souffrance, en dehors de toute lumière, est une expérience de la passivité du sujet. »1


(…) La mort annonce l'achèvement du corps, et en expose la vulnérabilité. La souffrance colle au corps comme l'impossibilité du mouvement dans la fatigue.

« … la souffrance physique, à tous ses degrés, est une impossibilité de se détacher de l'instant de l'existence. Elle est l'irrémissibilité même de l'être. Le contenu de la souffrance se confond avec l'impossibilité de se détacher de la souffrance ».

Le corps est en ce sens le signe ultime de la solitude de l'individu : « ici » absolu, irremplaçable par aucun autre point de vue (…). Personne ne peut prendre la place de mon corps souffrant.

Levinas ne témoigne pas d'une expérience où le propre du sujet serait réduit à soi, mais d'une expérience où le corps peut s'effacer, parce que dès l'origine, il est affecté par de l'autre.

Il y a dans cette imminence de la douleur, dans son caractère primordial pour la constitution du sujet, une forme de passivité qui définit le corps. Par cette forme de passivité (que Levinas, dans Autrement qu'être…, appelle « patience »), nous rejoignons l'impossibilité du geste, l'impossibilité de la volonté dans le corps (…). L'expérience du je ne peux pas de la fatigue rejoint celle du malgré soi qui doit désigner la passivité. À l'origine de l'expérience du corps, il y a à la fois impossibilité qui est passivité, et possibilité de la douleur qui est vulnérabilité. Le corps, dans son expérience primordiale — dès son expérience primordiale, peut-être — est éminemment ambigu : « équivoque » dit Levinas (…).

1 Emmanuel Levinas in « Le temps et l'autre », Paris, PUF, « Quadrige », rééd. 1985. p. 57
2 Idem, p. 55


« La subjectivité est vulnérabilité, la subjectivité est sensibilité. »1


La sensibilité est employée chez Levinas d'emblée en un double sens : sensibilité permettant la sensation, expérience immanente du corps propre et possibilité de l'expérience sensible, c'est-à-dire :
« extérieure : sensibilité orientée vers l'extériorité. » Mais elle est aussi sensibilité permettant l'affection, affection par l'autre où l'éthique prend immédiatement la place de la psychologie. Le corps ne suffit pas au sujet : il lui faudra le passage à l'Autre. Là ou corps et autre se rejoignent dans la constitution du sujet, c'est précisément par la passivité qui est au cœur de l'expérience du sujet donné à soi-même par le corps et par l'Autre.


Le sujet fait d'abord, par son corps, l'expérience de cette passivité en soi (c'est l'expérience de la fatigue) (…). »


« La corporéité du sujet, c'est la peine de l'effort, l'adversité originelle de la fatigue qui pointe dans l'élan du mouvement et dans l'énergie du travail. »2


Emmanuel Levinas in « Autrement qu'être ou au-delà de l'essence », Paris, Le Livre de poche, 1991. p. 92
Idem, p. 92

* Agata Zielinski « Lecture de Merleau-Ponty et Levinas - Le corps, le monde, l'autre - », Paris, Presses Universitaires de France, 2002.

11.3.12

La leçon du vidéographe

Mode de lecture : remplacer les termes « peintre », « artiste » par « vidéographe » et ceux de « peinture », « toile » par « vidéographie ».

----- Agata Zielinski « Lecture de Merleau-Ponty »* ----

« « (…) donner l'impression d'un ordre naissant, d'un objet en train d'apparaître, en train de s'agglomérer sous nos yeux. »1

(Cézanne) organise l'artifice de manière à rendre l'essence, non de la chose en soi, mais de notre manière de percevoir ; non une fois pour toutes, mais dans le processus même de la perception, dans ses hésitations. Il « exprime le monde » en nous faisant retrouver l'expérience — « perception primordiale »2 — dont l'œuvre est l'expression. Il s'agit de « réveiller une expérience » dans laquelle le peintre rend compte de sa rencontre avec le monde, « rencontre du regard avec les choses qui le sollicitent. »3 Ainsi, l'expérience esthétique reconduit vers ce qui se passe dans l'expérience primordiale. Le tableau est à la fois distance par rapport au monde, et renvoie à la perception du monde. (…) Il s'agit bien de réapprendre à voir.

« L'artiste est celui qui fixe et rend accessible aux plus "humains" des hommes le spectacle dont ils font partie sans le voir. »4

1 Merleau-Ponty in « Sens et non-sens », p. 25
2 Idem, p. 26
3 Merleau-Ponty in « Signes », p. 71
4 Merleau-Ponty in « Sens et non-sens », p. 28 ou 31


La leçon du tableau est encore l'
INACHÈVEMENT DE LA CRÉATION COMME IL Y A INACHÈVEMENT DE LA PERCEPTION :

« Puisque la perception n'est jamais finie, puisque nos perspectives nous donnent à exprimer et à penser un monde qui les englobe, les déborde, et s'annonce par des signes fulgurants comme une parole ou comme une arabesque, pourquoi l'expression du monde serait-elle assujettie à la prose des sens et du concept ? Il faut qu'elle soit poésie, c'est-à-dire qu'elle réveille et reconvoque en entier notre pur pouvoir d'exprimer, au-delà des choses dites ou déjà vues. »5

En outre il me renvoie au style de mon être au monde, me fait prendre conscience que j'ai une manière propre d'habiter le monde. Car la « rumination du monde » que propose la peinture ne se fait pas sans le corps : les yeux et les mains du peintre sollicitent mon regard et ma position dans l'espace, mon orientation dans le temps croisé de mon corps et du monde. À l'origine, le style de mon être au monde, c'est l'affection mutuelle du corps et du monde : c'est cela dont témoigne d'abord le peintre, par son travail et par son œuvre. L'expérience primordiale est cet admirable échange, cet « extraordinaire empiètement »6 du corps du peintre et du monde :

« C'est en prêtant son corps au monde que le peintre change le monde en peinture. Pour comprendre ces transsubstantiations, il faut retrouver le corps opérant et actuel, celui (…) qui est un entrelacs de vision et de mouvement. »7

Le corps n'est « prêté » au monde qu'en vue de cet échange, affection mutuelle que le peintre restitue sur sa toile aux yeux du monde. Ce n'est que parce que le corps est depuis toujours au monde, faisant partie du visible, que je peux voir et faire voir. (…) La leçon du peintre est bien celle de l'appartenance du corps au monde, appartenance dont il montre comment elle se fait. »

5 Merleau-Ponty in « Signes », p. 65
6 Merleau-Ponty in « L'œil et l'esprit », p. 17
7 Idem, p. 16
* Agata Zielinski « Lecture de Merleau-Ponty et Levinas - Le corps, le monde, l'autre - », Paris, Presses Universitaires de France, 2002.


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J'applique ces réflexions pour les vidéographies comprises comme des plans-séquences contemplatifs qui, dans la durée de la prise de vue, en direct, sur le vif, nous font pénétrer dans un lieu, nous font l'explorer et nous en font découvrir une particularité. Cette particularité tient au filmage lui-même, à l'implication de l'artiste vidéographe qui filme, à la relation qu'il instaure avec le lieu.

7.3.12

Le chardon (vanité)

16 min 00 _ III-2012
coul. _ 16:9 _ mini-dv _ 1 plan-séquence
_ musique : accordéon solo : 
Ne Ma-Um” (1996/98) de Younghi Pagh-Paan, composée pour & interprétée par Teodoro Anzellotti, extrait de l’album “Push Pull” (1999 - Hat Hut 131)  (avec l'aimable autorisation de Teodoro Anzellotti)
Tableau filmé & musique contemporaine
Vanité contemplative



Contemplation d'une berge — passage de la terre herbeuse à l'eau, de la lumière à l'ombre. Méditation sur le temps qui passe, où deux expériences se croisent : la composition musicale performée à l'accordéon donne sa couleur psycho-affective au geste filmique.





















La durée de la vidéographie
dans sa contemplation en temps réel
comme le sablier
mesure le temps.






























































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Dans son autoportrait au chardon, daté de 1493 (Musée du Louvre), Dürer s’est représenté tenant à la main un chardon, symbole de l’initié. Le chardon est la fleur du soleil, c’est l’image de la vertu cachée protégée par ses piquants.


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Younghi Pagh-Paan à propos de sa composition Ne Ma-Um” (1996):
http://www.pagh-paan.com/dsp_wk.php?lg=en&op=026