24.11.13

En fait d’impressionnabilité l’enfant, l’artiste et le saint sont frères

La notion d’Écologie Humaine attire à elle celle, primordiale et fondatrice, de l’intériorité. La vie intérieure de l’être humain est l’espace-temps par lequel il va s’accroître et grandir. C’est l’expérience de soi en soi au sein du monde. Plus il y sera attentif, plus il s’affinera dans sa manière d’être librement au monde et plus il s’y réalisera en phase avec ce qu’il est profondément. Plus il saura visiter la petite cellule qui est en lui, plus il sera plein d’une force sereine qui rayonnera de lui et se propagera sans effort, naturellement. La petite cellule en soi est une chambre des délices[i].
« En fait d’impressionnabilité l’enfant, l’artiste et le saint sont frères. » ÉDITH STEIN




















TENDRE À UNE DÉFINITION DE L’IMPRESSIONNABILITÉ 
IMPRESSIONNABILITÉ : vulnérabilité, faculté de se laisser traverser, de se laisser affecter par l’altérité du monde.
L’être est ouvert à plus grand ou plus petit que lui. Forme de curiosité questionnant le monde, l’extérieur à soi, l’autre. Quête de l’Autre. L’impressionnabilité est une manière d’être en devenir. Une manière de se laisser advenir ; de naître à soi-même par ce qui est extérieur à soi ; de se laisser visiter par l’Autre.
L’être comme un lieu en soi où, telle une pellicule sensible se laissant impressionner accueille ce que le monde imprime en lui, acquiesce à la coloration qu’il va tracer sur lui, s’en laisse modifier, altérer.
L’impressionnabilité est un acquiescement à l’altération du monde sur soi, en soi.
C’est par le jeu pour l’enfant qui rêve tout en jouant, babillant, se racontant des histoires, chantonnant, dansant… ;
C’est par la création pour l’artiste qui reçoit, se nourrit autant qu’il donne à percevoir le résultat des énergies qui l’ont traversé ;
C’est par l’oraison pour le saint, qui accompagne toutes ses activités, que ce soit dans le travail, ses relations à autrui, aussi bien que dans sa pratique de la lectio divina (oraison, méditation, contemplation) lecture sainte des religieux.
Ce qui rend frères l’enfant, l’artiste et le saint est cette attitude de prière étendue à la matérialité du monde, à la relation à l’autre, dans les activités quotidiennes. L’incantation permanente et secrète au creux de soi, où que l’on soit, quoi que l’on fasse.


LE SYMBOLE FONDE L’HOMME
Ce qui fonde l’homme, la nature humaine, c’est sa faculté à susciter du symbolique. Le repère dans la relation à l’autre est symbole. Parce que l’individu est individe, qu’on ne peut le diviser sans porter atteinte à son intégrité vitale, la dimension symbolique est présente à l’homme dès le commencement de sa vie et jusqu’à son terme. C’est d’abord une manière d’être avec sa propre solitude d’individu, être individe. 
L’homme est l’être de la reconnaissance par excellence. Reconnaissance de soi par autrui, reconnaissance d’autrui, de ceux qui lui font du bien, qui lui ont donné la vie, reconnaissance mutuelle de ceux qui l’aiment et avec lesquels il entre en relation, reconnaissance qui s’exprime aussi, comme à son sommet, dans la possibilité de donner à son tour de soi, de laisser des traces constructives et épanouissantes de soi dans le monde. La quête de reconnaissance est inhérente à l’homme. Il est aussi un être de la louange, capable d’exprimer la gratitude profonde une fois qu’il a éprouvé pour lui-même la joie d’être accueilli pour ce qu’il est, reconnu, né à nouveau dans le regard de l’autre. 
Le symbole est le vecteur, le véhicule du caractère exclusivement humain de l’homme. C’est la figure, l’objet, la forme, le dessin, l’image, le mot, la parole, la lettre, la métaphore, le geste… mis en circulation, mis en situation de partage, d’échanges entre les enfants, entre les adultes, entre les enfants et les adultes. Entre l’homme et le grand Autre. Ce peut être & devrait être d’abord un rapport à sa propre solitude. Le symbole est ce par quoi se reconnaît la faculté de l’homme à l’être. L’homme est un être de la relation, de la communication, du rapport à l’altérité. Le jeu, le rêve, la rêverie ; le rêve nocturne, le songe, la pensée, la création ; la prière ; toutes les disciplines du travail humain depuis l’artisanat jusqu’aux métiers ayant trait à l’économie, à la finance, au droit, en passant par les professions de santé et du social, ceux de la culture, de l’éducation et de l’enseignement ; et même au sein de la misère sociale, de l’indigence matérielle la plus dégradée, l’homme a encore et toujours ce besoin de relation a plus grand et plus petit que soi, et de matérialiser par des voies symboliques ce fait-là d’être là, un homme au monde dans toutes les situations concrètes qu’il présente de façon incessamment renouvelée. Depuis sa geôle ou sur un trône, seul ou accompagné, en activité ou privé d’activité, la première faculté de l’homme, parce qu’il a soif de relation, est de fabriquer malgré lui du symbolique, de rechercher le lien à l’altérité du monde. C’est par cela qu’il est homme et qu’il existe. Il cherche cette part de lui-même, il s’adresse à l’altérité qui est en lui ; il rêvera, écrira, pensera, parlera, jouera, même seul. Dans la petite cellule en soi, l’homme appelle sans relâche. 
« Le cœur des petits enfants n’a-t-il pas été créé pour prier, pour aimer ? Pourquoi en est-il si peu qui prient ? Pourtant, la prière des enfants est toute puissante. Rien de plus beau n’est monté à Dieu que la prière des enfants. Plusieurs enfants réunis dans la prière font pour le Ciel des choses merveilleuses. Ô mères ! Faites aimer la prière à vos enfants et Dieu trouvera sa gloire en vous. Soyez certaines que les anges prient au milieu des enfants et demandent avec eux. » MARTHE ROBIN
            Notre société actuelle ruine le symbolique. Elle s’y attaque, mais s’y achoppe. On ne peut retirer à l’homme sa manière d’être qui est toute profondeur. L’impressionnabilité d’Édith Stein est fort mise à mal. Elle est malmenée, utilisée, manipulée, orchestrée, blessée, violée, bafouée ou tout simplement niée. Le nihilisme totalisant dénie le besoin qu’a l’homme du symbolique, le contraignant par cet acte à se plier à ses idéologies, à ses visées néfastes de domination mortifère, bref, à l’avilissement de la nature humaine pour continuer à dominer les masses, les individus ainsi dénaturés. Ce pouvoir utilise aussi, cependant, des armes pleines de symboles qui déracinent l’individu, le privent de la relation vitale à sa vie spirituelle, dénigre l’existence de ce besoin primordial. Bref, divise l’individu en son cœur même, s’introduit en lui pour le briser, le déraciner. Dès que l’enfant à accès aux écrans de toutes sortes (voir le nourrisson en situation devant un écran), son impressionnabilité est alors très vite mise en danger et pervertie.


PRENDRE SOIN DE L’IMPRESSIONNABILITÉ
Considérer chaque individu comme un être porteur au fond de lui comme d’une sorte de chambre obscure, une camera oscura, la chambre photosensible, la cellule intérieure par une petite ouverture de laquelle le monde extérieur figuré par des rayons de lumière va impressionner la pellicule sensible, cette peau interne tapissant les parois de la chambre de l’être. Le lieu en soi, éminemment intime, est visité par les rais de lumière provenant de l’extérieur, qui impriment en lui des impressions de toutes natures. C’est dans cette cellule intérieure exposée à la lumière, ce lieu en soi tout monastique (monos : un seul), à la configuration si unique & particulière bien que présente en chacun universellement, que va se former la relation symbolique au monde, à l’altérité. Il faudrait pouvoir agir avec cette chambre intérieure comme se tenant aux abords d’un sanctuaire. Porter une attention toute spéciale à ce lieu présent dans chaque individu comme s’il s’agissait d’un sanctuaire. Avec discrétion, tact et délicatesse. Sans en forcer l’entrer. Rester en relation avec l’autre c’est respecter cette frontière, cet espace intime vital, ne pas franchir cette zone par la force, ne pas transgresser la limite, mais progresser dans la relation d’altérité, proposer son altérité, l’exposer doucement, et laisser l’autre s’y ouvrir en tout désir, en toute liberté, dans l’acquiescement libre au mouvement du partage. La lumière au seuil du cœur de l’autre, l’ouverture du diaphragme doit pouvoir se faire librement, le diamètre de l’opercule laissant les rais lumineux investir ce lieu interne, pouvoir être modulé sans contrainte extérieur. C’est cela se laisser impressionner. Comme le papier reçoit l’encre des lettres. Comme la pellicule photosensible est exposée à la lumière de façon dosée. 
L’impressionnabilité chez l’enfant, l’artiste ou le saint est cette attitude toute priante dans sa relation avec l’extérieur, au monde extérieur à soi, à l’altérité du monde. Ce monde comprend les différentes perceptions sensibles que l’on en a, les mouvements, les lumières, les ombres, les procès (au sens de processus), toutes les choses physiques et matérielles qui sont aussi gouvernées par du symbolique, du fait même que le regard de l’être humain est pétri par la quête de l’altérité. Ce regard de l’être humain est à la fois ancré dans l’être et dans le devenir permanent. Le symbolique est en devenir permanent. C’est un langage animé, vivant. Le besoin de relation de l’homme est intégral, absolu. Un bébé laissé à lui-même meurt, même s’il est nourri par des automates. J’ai besoin de la cellule sanctuarisée de l’autre pour vivre. Que je sois enfant, artiste ou saint. Bref, homme tout simplement. C’est la quête de ma vie : me laisser impressionner par la bienveillance du monde extérieur à moi. Et, cette lumière ayant déposé des traces en moi, en restituer les fruits inouïs, inédits, spécifiques à ce que je suis, ce qui relancera ma relation, le dialogue que j’établis avec le monde, l’enrichira et le fera progresser en humanité. 


APPRENDRE À RECONNAÎTRE LE SANCTUAIRE DE L’ÊTRE
La tâche de l’Écologie Humaine en art et culture est d’apprendre à reconnaître ce sanctuaire de l’être où tant de phénomènes exclusivement humains ont lieu, à le connaître, à le préserver. Permettre à chaque individu désireux de vivre en vérité ce qu’il est au fond de lui-même, cet être de relation bienveillante envers soi-même et le monde.
Avant d’être une pratique, l’art est une manière d’être, comme être enfant en est une, comme être saint en est une autre, avec des pratiques spécifiques nourrissant ces manières d’êtres.
La pratique de l’art est d’abord une manière d’être et d’agir avec son espace sacré intérieur dans la relation à l’autre, au monde et à soi. L’Écologie Humaine est ce lieu symbolique de partage d’expériences ou pourra s’apprendre à repérer cet espace en soi & à l’aimer ; à le laisser interagir avec autrui & son environnement. Cette cellule sanctuarisée de l’homme est le cœur où s’agitent les énergies créatrices, la chambre secrète dans laquelle s’inscrivent les représentations, les relations au monde, qui seront restituées, comme traduites, dans la manière d’être au monde de chaque individu : individe, unique, précieux et sacré.

SANDRINE TREUILLARD

16 juin 2013

pour LE COURANT DE L'ÉCOLOGIE HUMAINE
rubrique Art & culture

[i] « La petite cellule qui se souvient est une petite chambre des délices. » Geoffroi de Vinsauf, en 1210 environ in « POETRIA NOVA », « en ces temps où la longue tradition de méditation touchait à sa fin » écrit Mary Carruthers dans son ouvrage « MACHINA MEMORIALIS - MÉDITATION, RHÉTORIQUE ET FABRICATION DES IMAGES AU MOYEN ÂGE »

[ii] Édith Stein in l’Introduction à « La Science de la Croix » (Passion d’amour de saint Jean de la Croix), où Édith Stein « constate la présence en saint Jean de la Croix de trois dons apparentés mais pourtant bien distincts. Elle parle de trois réalités (Sachlichkeiten), il faudrait dire en empruntant un mot à l’ouvrage (récent) de Jacques Maritain, « Creative Intuition in Art and Poetry » (Pantheon Books Incorporated, New-York, 1953), de trois innocences : l’innocence de la sainteté, l’innocence de l’enfant, l’innocence de l’artiste. » Élisabeth de Miribel, in « Comme l’or purifié par le feu : Édith Stein : 1891-1942 »

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Sandrine Treuillard
Née en 1974 à Orléans. Diplômée des Beaux-Arts de Bourges (1995) puis de Lyon (1999). Formation typographique & pao à l’Imprimerie Nationale (2001). Porte 34 est son lieu de vie et de travail (écriture, photographie & vidéographie), rue Étienne Marey, Paris 20ème de 2002 à 2009.
Correspondances : 1998-2005 avec l’éditeur & commissaire d’exposition bernois Johannes Gachnang. - 2006-2008 avec l’écrivain Pascal Quignard. - 2002-2004 Assistante de l’artiste vidéaste Joël Bartoloméo. - 2004 Voyage à Naples : Carnet de voyage photos mailé. - 2005 Performance à Marseille, exposition à La Friche La Belle de Mai, avec Les Instants Vidéo. - 2006 Commence ses productions en vidéographie. Les Instants vidéo, Côté Court, Traverse Vidéo et Imagespassages sont les festivals qui diffusent ses travaux. - 2008 : Naissance du blog MACHINA PERCEPTIONIS & nouveau voyage à Naples & en Sicile - 2010-2011, travaille le rapport de la vidéographie avec la musique contemporaine des accordéonistes Stefan Hussong & Teodoro Anzellotti. - Été 2012 : création de l’entreprise GRAPHISMISENPAGE 

8.9.13

L'opération du repentir

Méditation d'après une carte postale


Saint Jérôme (1482)
Leonardo da Vinci
Pinacothèque du Vatican


L’OPÉRATION DU REPENTIR

Sms à Éric Pierre Houser, je. 5 sept. 2013

« Merci Éric pour le livre de Unamuno (« Le Christ de Vélasquez ») : Rémi me l’a sorti de ses rayons. Cela me fait penser à Montserrat Figueras, la soprane dont Jordi Savall est le veuf depuis un an, je crois. La connais-tu ? À moins qu’elle n’ait été alto ? Ce sont des choses très belles et intenses spirituellement. Je viens de trouver une carte postale sur le trottoir en nous rendant à la messe : le saint Jérôme de Vinci, une scène qui me bouleverse et que j’ai méditée par celle de Piero della Francesca. Je vais peut-être me mettre à écrire à partir de cette image, carte toute malmenée car on a marché dessus avant que je ne la ramasse. À bientôt, je t’embrasse. »

Carte toute bosselée, comme ces pierres des bâtisses.
Saint Jérôme tient une pierre dans sa main droite, les doigts l’enserrant, son bras tendu, écarté du buste, la poitrine nue laisse voir la tension au niveau du sternum, les muscles et les nerfs tendus au bas du cou. On voit même un relief abdominal comme une barre sur le haut du ventre. L’espace vacant entre le bras, la main à la pierre et la poitrine, le ventre ; ce cou cette épaule torturés, appellent le visage. Ce visage que l’on voit mal, un angle malaisé de prise de vue. On en discerne des prolongements avec ce cou torturé, dans la joue. Ce visage tombant de ¾ pourtant s’élève, s’élance vers son avant. Le regard qui n’est pas que des yeux issu, le regard sort de ce visage. Issir. Cette bouche mi béante, entrouverture noire, expire comme les restes du souffle du péché. La bouche du repentir qui s’exhale est unie, communie avec tout le regard du visage. Elle fait partie du regard. Même l’oreille semble ouverte pour laisser échapper de ce corps tout un passé. L’oreille est ce regard du visage ; elle aussi y communie.

Tout s’ouvre dans ce corps, de cette posture quelque chose s’évade, suppure. Et quelque chose se reçoit, cependant. C’est peut-être l’unification qui est là reçue. Tout unifié par et dans le repentir, Jérôme parvient à la communion, c’est ce que nous voyons se produire sous nos yeux et qui nous bouleverse tant. C’est en train de se produire, maintenant, dans le temps qui dure de cette posture que l’on pourrait croire figée. Il y a une transmutation, une transformation. Une métamorphose en cours. Un transvasement. Le dedans s’exporte. Un dedans hors-champ s’introduit. Au sein du corps du saint et la gueule ouverte du lion en est à la fois le témoin et le mimétisme fasciné.

Il nous ressemble. Interloqué, soufflé, un souffle brusque s’exporte de nos corps. Du corps de nos âmes. Comment ne pas ? Comment ne pas être soufflé d’assister à la transfiguration de cet homme aux prises avec la purification de toute sa vie ? La grotte elle-même nous dessine son carré clair, déjà sanctuarisé par cette ouverture. Le poing fermé, serré sur la pierre, le pan du vêtement a glissé de cette épaule découvrant l’opération en cours sur, dans, à travers ce corps. Un autre espace s’est ouvert, dans la génuflexion qui dure, la posture du chevalier servant éternel, tout cet espace derrière le genou — que l’on appelle la fosse poplitée — cet intervalle entre la cuisse et le genou. Et — ce que je perçois depuis longtemps sans avoir pu encore le nommer, sans avoir eu encore l’occasion de le dire, et qui pourtant interloque mon œil depuis tout ce temps que j’observe la scène — le brunissement d’une partie du gros orteil de cette jambe visible, comme si le lavis brun avait dépassé sur le pied, suscitant une microforme en réponse à la béance de la gueule du lion. Et en plus souple, la queue du fauve répond par sa courbe à la tension du bras. Cette tension du bras de laquelle provient l’extirpation du péché, l’évacuation du passé s’y réalisant (dans la tension).

La béance de la grotte, elle, est paix. Oui, c’est déjà le sanctuaire, la délimitation du sublime devenu par-là sacré. Cette paix de l’ouverture c’est l’instant d’après, l’instant qui suit l’opération du repentir. Un instant qui s’éternise, alors. Le visage mitoyen torturé va acquérir cette paix, la recevoir et la devenir. Il la reçoit, il est en train.
Ce corps de la carte postale, bosselé, ce papier imprimé, pelliculé, porte les traces du piétinement. Elle est gaufrée des petits cailloux qui y ont imprimé leur relief de petites bosses.



Saint Jérôme et Montserrat Figuerras
Le chant qui accompagne la peinture de Leonardo da Vinci
est une berceuse sous forme de complainte
où la Vierge devant son nouveau-né
pré voit la passion du Christ
à travers la contemplation
de son petit corps
endormi.

Cette balayure trouvée sur le trottoir, c’était saint Jérôme criant, muet appelant, et que j’entendis aussitôt mon regard passant dessus. Je me suis baissée soudainement en prononçant « Ô Jérôme ! » avec, oui, familiarité.

Et à l’adoration, après la messe où nous nous rendions sur ce trottoir de l’avenue de Saint-Mandé, oubliant complètement la présence de cette carte dans mon sac, je vivais cette sorte de souffrance du passé cabossant l’âme pour en sortir.

Mais je ne dis pas que j’en suis sortie. L’opération est en cours, comme sur la carte. Le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Ce temps de la peinture est le temps de Dieu, ici semblant capturé dans la peinture. C’est cependant bien un processus qui est décrit avec son développement dans le temps. Celui du saint ; celui du lion, nous, le témoin ; celui de Dieu dans le sanctuaire de la grotte. Le temps représenté dans le paysage à gauche, comme un paysage lacustre, bleuté et brumeux, humide sur les feuilles aquatiques, comme l’image du Saint Esprit présent dans l’air et la nature. Une nature autre que l’animale, autre que la géologique. Une nature du souffle et de l’eau, de l’air et du végétal humide qui tempère la dureté de la pierre, l’âpreté de l’opération en cours.


On sait que derrière, pas loin, un apaisement est possible, une tempérance veille et s’agira en son temps pour adoucir les feux de l’opération nécessaire et inévitable à laquelle se prête, s’abandonne Jérôme sous nos yeux étonnés.

Sandrine Treuillard
5 sept. 2013



Filmé par Valérie Graff