12.1.10

La plongée (Syracuse)

9 min 30 _ I-2010
coul. _ 4:3 _ mini-dv
partiellement muet _ stéréo
filmé à Syracuse en fév. 2008



Filmer jusqu'à la limite du visible (zoom maximum, surexposition, fin de bande) l'apparition/disparition du plongeur. Lien, rapport à la perte, "Objet petit a" de Lacan, la bobine de Freud. Progression onirique, allégorie d'un travail du regard (vers l'extérieur), & d’une plongée intérieure.


Vue en plongée sur la mer, les rochers, les vagues écumantes, bruit de la mer (naturalisme). Absence de ligne d’horizon. Nous ne sommes pas devant un "paysage" marin. Image plate.
Maladroit mouvement de la caméra vers les rochers, brève apparition de l’eau verte transparente, découverte du plongeur sur la côte.






Image plate : on quitte le naturalisme avec la COUPURE du SON (abstraction : tableau) : différents plans : un rocher "écran" qui cache le corps du plongeur ; l’eau verte transparente avec le fil rouge "comme en suspens" de la balise : impression de voir à travers la paroi d’un aquarium, impression d’un pan d’eau à la verticale.


Tableau abstrait. Attente ["exspectatio" ; rapport à la "perte" (de vue du plongeur)].
La balise jetée sur l’eau introduit la notion de "profondeur" dans l’image, suggère un point de fuite.


Zoom arrière sur cette balise flottante, le plongeur a disparu derrière le rocher écran. Retour au tableau naturaliste.
Coupe.

2CD PLAN : INTRODUCTION DE LA PROFONDEUR (ENFONCEMENT)
Même vue en plongée sur le corps du plongeur en combinaison au motif de camouflage (illusion de naturalisme).
Il plonge, s’éloigne progressivement de la côte.


Même absence de ligne d’horizon, mais introduction de la profondeur confirmée par le corps nageant "en oblique" et s’enfonçant dans l’eau-image ("tableau").


Le corps s’enfonce dans la masse mouvante de la mer et par zooms successifs je le suis et m’enfonce dans l’image.
Je filme le lien : je suis (comme) la balise qui signale la présence du plongeur : je suis (de "suivre") l’objet que je filme & le signale. Le fil rouge est ce lieu ("ligne") du voir, "le lien au visible".
Je filme le lien.


Les zooms successifs modifient la nature de l’image : elle est de plus en plus "picturalité" pure ; de plus en plus tremblante, elle "s’onirise", jusqu’au zoom maximum qui correspond à la LUMIERE SATUREE, à la FIN DE BANDE & à la DISPARITION du corps du plongeur.
Arrêt sur l’image de la balise décolorée au centre du tableau surexposé.
Coupe.





RAPPEL : Le « je » est l’ensemble « corps + caméra », « être + perception » (le regard) soit Machina perceptionis.


« La “dépense” du baroque, c’est un profond enracinement. Elle s’attache à son objet de si près, qu’elle n’en voit plus l’apparence, le relatif : elle est avec lui dans de l’éternel. Un devenir ? oui, mais l’instant premier en déterminera le second, au lieu d’en susciter le rebond ailleurs, dans la dispersion de l’espace, et ainsi s’opère cette plongée, ce mouvement en spirale, qui se referme “enfin” sur le hic et nunc d’un destin. » Yves Bonnefoy in “Rome, 1630”, Flammarion, 1994.
Ce destin est celui de la forme s’inventant elle-même au sein de l’action de filmer.