Quand je filme un détail du paysage qui m'interpelle, ce que Lacan ci-dessous appelle le "dépôt", l'"abandon", le fait de "déposer le regard", s'applique tout aussi bien à une invitation du paysage lui-même.
Ce que je vois (avec mon œil) du réel me convie à le regarder en déposant mon regard. C'est une sorte de soumission douce dans laquelle quelque chose m'est donné.
Puis, je le rends au monde, je donne à voir cette expérience du regard sous la forme d'un tableau vidéo.
La "déposition" du regard est dans le tableau lui-même.
La déposition est avec mon regard. Elle se situe dans mon rapport avec ce que je vois, comme dans la contemplation.
"Contemplation" est à l’origine un terme de la langue augurale (dans la Rome antique) — composé de cum (avec) et de templum au sens ancien de « espace carré délimité dans le ciel et sur terre par l’augure, pour interpréter des présages ». Cet espace virtuel, sans n’avoir plus de visée augurale, est le tableau du Voir, délimité par le cadre de la caméra fouillant dans l’image du réel, se laissant guider par la lumière sur les choses.
[Cf le "tableau filmé" de la lumière sur l'eau dans "étang peinture, La Sourdaie", vidéo plus bas. Tout aussi bien “Spatola (delectatio)”-1ère vidéo de Sicile, 2008.]
In « LES QUATRE CONCEPTS FONDAMENTAUX DE LA PSYCHANALYSE » de Jacques Lacan –
ch. DU REGARD COMME OBJET PETIT a
ch. VIII La ligne et la lumière
« Le peintre, à celui qui doit être devant son tableau, donne quelque chose qui, dans toute une partie, au moins, de la peinture, pourrait se résumer ainsi — Tu veux regarder ? Eh bien vois donc ça ! Il donne quelque chose en pâture à l’œil, mais il invite celui auquel le tableau est présenté à déposer là son regard, comme on dépose les armes. C’est là l’effet pacifiant, apollinien, de la peinture. Quelque chose est donné non point tant au regard qu'à l'œil, quelque chose qui comporte abandon, dépôt, du regard. »
10 dernières minutes des 20 min 30 de "étang peinture, La Sourdaie"
XI 2009