13.1.10

La bobine de Freud, l'objet petit "a" de Lacan & La plongée (Syracuse)

J'ai lu ce texte de Lacan au moment où j'exhumais de mes archives filmées d'Italie 2008, ce que j'intitule "La plongée (Syracuse)" (cf l'article ci-après).
Le lien progressif entre ce texte et cette vidéo me frappe.



DE LA BOBINE DE FREUD À L’OBJET PETIT "a" DE LACAN
In « LES QUATRE CONCEPTS FONDAMENTAUX DE LA PSYCHANALYSE » de Jacques Lacan
ch. II L’inconscient et la répétition
sous ch. V "Tuché" et "automaton"

« Freud, lorsqu’il saisit la répétition dans le jeu de son petit-fils, dans le "fort-da" (ici-là) réitéré, peut bien souligner que l’enfant tamponne l’effet de la disparition de sa mère en s’en faisant l’agent — ce phénomène est secondaire. Wallon le souligne, ce n’est pas d’emblée que l’enfant surveille la porte par où est sortie sa mère, marquant ainsi qu’il s’attend à l’y revoir, mais auparavant, c’est au point même où elle l’a quitté, au point qu’elle a abandonné près de lui, qu’il porte sa vigilance. La béance introduite par l’absence dessinée, et toujours ouverte, reste cause d’un tracé centrifuge où ce qui choit, ce n’est pas l’autre en tant que figure où se projette le sujet, mais cette bobine liée à lui-même par un fil qu’il retient — où s’exprime ce qui, de lui, se détache dans cette épreuve, l’automutilation à partir de quoi l’ordre de la signifiance va se mettre en perspective. Car le jeu de la bobine est la réponse du sujet à ce que l’absence de sa mère est venue à créer sur la frontière de son domaine, sur le bord de son berceau, à savoir un "fossé", autour de quoi il n’a plus qu’à faire le jeu du saut.
Cette bobine, ce n’est pas la mère réduite à une petite boule par je ne sais quel jeu digne des Jivaros — c’est un petit quelque chose du sujet qui se détache tout en étant encore bien à lui, encore retenu. C’est le lieu de dire, à l’imitation d’Aristote, que l’homme pense avec son objet. C’est avec son objet que l’enfant saute les frontières de son domaine transformé en puits et qu’il commence l’incantation. S’il est vrai que le signifiant est la première marque du sujet, comment ne pas reconnaître ici — du seul fait que ce jeu s’accompagne d’une des premières oppositions à paraître — que l’objet à quoi cette opposition s’applique en acte, la bobine, c’est là que nous devons désigner le sujet. À cet objet, nous donnerons ultérieurement son nom d’algèbre lacanien — le petit "a".
L’ensemble de l’activité symbolise la répétition, mais non pas du tout celle d’un besoin qui en appellerait au retour de la mère, et qui se manifesterait tout simplement dans le cri. C’est la répétition du départ de la mère comme cause d’une "Spaltung" (scission) dans le sujet — surmonté par le jeu alternatif, "fort-da" (ici-là), qui est un ici ou là, et qui ne vise en son alternance, que d’être "fort" d’un "da", et "da" d’un "fort". Ce qu’il vise, c’est ce qui, essentiellement n’est pas là, en tant que représenté — car c’est le jeu même qui est le "Repäsantanz" (secours pour pallier le manque) de la "Vorstellung" (représentation). Que deviendra la "Vorstellung" (représentation) quand, à nouveau, ce "Repräsantanz" (secours pour pallier le manque) de la mère — dans son dessin marqué des touches, des gouaches du désir — viendra à manquer ?
J’ai vu moi aussi, vu de mes yeux, dessillés par la divination maternelle, l’enfant, traumatisé de ce que je parte en dépit de son appel précocement ébauché de la voix, et désormais plus renouvelé pour des mois entiers — le l’ai vu, bien longtemps après encore, quand je le prenais, cet enfant, dans les bras — je l’ai vu laisser aller sa tête sur mon épaule pour tomber dans le sommeil, le sommeil seul capable de lui rendre l’accès au signifiant vivant que j’étais depuis la date du trauma. »

J’ai mis entre ( ) la traduction des mots allemands
et entre " " les italiques du texte original.