3.7.13

Institut de beauté : portrait d'un homme dans son paysage

24 min 30 _ VI 2012
coul. _ 16:9 _ mini-dv

avec     Sylvain Treuillard
     à     La Sourdaie




















Pare-brise de la cabine, rétrocaveuse immobile, témoin réflexif de ce petit théâtre de la perception, Institut de beauté est un film sur le travail manuel, la transformation du paysage, le corps à l'œuvre, la manipulation des outils, le plaisir que procurent les éléments, la beauté du matériel, les glissements de sens et du terrain…










Réponse à l'article de Kim-Olivier Trévisan 
rubrique Architecture & habitat 
du courant Écologie Humaine :

Le 19 juin 2013
Bonjour Kim-Olivier,
Vous connaissez sans doute l’ouvrage « Genius Loci : Paysage, Ambiance, Architecture » de Christian-Norberg Schultz (1981, © Mardaga), où la mesure du lieu est encore anthropologique.
[Pour ce qui est de l’ornement, l’échec est dans ce qu’il est utilisé gratuitement, sans véritable profondeur. Mais si l’on avait accès à cette profondeur du symbole des formes, ancrées dans nos cultures, l’ornement retrouverait sa noblesse.]
Aussi, l’artisanat a-t-il été sapé depuis la Loi Isaac Le Chapelier, en 1791, interdisant les corporations, le compagnonnage, les coalitions ouvrières et le droit de grève.
Au sein de ces corporations se transmettaient de véritables savoir-faire & savoir-être. Cette interdiction est un des fruits de la Révolution & de la pensée des Lumières, processus de la modernité qui a poursuivit son œuvre tout au long du XXème siècle, en passant par la Révolution Industrielle, avec l’interventionnisme de l’État qui décourage les initiatives individuelles source de création & de liberté, s’accentuant après 1968 sous couvert de libéralisme et se poursuivant aujourd’hui. Il est important de dénoncer & d’étudier ces processus historico-politico-économico-financiers pour en comprendre les déboires répandus aussi bien dans l’architecture & l’habitat que dans toutes les autres disciplines mises à l’étude par l’Écologie humaine.















Mon père a été Maître Artisan Ébéniste, en retraite ce 1er juillet 2013, à l’âge de 61. Il a collaboré avec des architectes, prenant soin de choisir sur pied, dans les forêts locales (Pays Fort, Sologne) les arbres qu’il allait ensuite scier & mettre à sécher lui-même avant de le choisir à bon escient, plus tard, pour en réaliser un meuble, un assemblage mobilier. Son travail l’impliquait totalement depuis son corps jusqu’à son esprit. Ce rapport physique, intellectuel, voire spirituel, au travail, est une marque de l’artisanat. Toujours, la noblesse de son travail était relevée, non seulement dans son résultat, esthétique, mais dans son processus même qui épanouissait aussi l’homme dans sa tâche (sans vouloir idéaliser ce métier, car les inconvénients sont aussi nombreux, notamment pour la santé).
















J’ai réalisé une vidéo il y a un an, de mon père en pré-retraite, passant du temps à s’occuper d’un terrain traversé de sources qu’il aménage. La Sourdaie est son domaine de prédilection où ses savoir-faire et ses savoir-être (avec la nature, par exemple) vont continuer à se développer dans cette période de la vie où ce n’est plus exclusivement le métier qui fonde l’homme, mais une manière d’être au monde dont le métier a été fondateur pour l’homme. Il a dessiné avec un architecte l’aménagement d’une tour dans la maison (qui était celle du gardien des sources qui entretenait le système hydraulique alimentant le château plus haut, en eau). Il est intervenu dans le paysage d’abord en défrichant ce terrain de ½ hectare, puis en canalisant les sources qui avait rendu cette terre très marécageuse. Là, il s’occupe des bassins, sur les parois desquels il a dû remodeler la glaise pour stopper les fuites. Ce temps-là est très précieux pour l’homme : on dirait un enfant qui redécouvre les joies du jeu & de la construction dans la nature, avec la nature. Ce rapport au paysage de mon père m’a toujours saisie & l’acquisition de La Sourdaie, ce lieu qu’il a lui même baptisé ainsi, est pour l’homme qu’il est un renouvellement de son rapport au monde, à la nature, au travail, à l’être profond… somme toute attitude encore très proche de l’esprit artisanal.










Et moi le filmant, je cherche à rejoindre cet esprit, à saisir son rapport au lieu & au faire dans le paysage. Dans ma propre pratique artistique de la vidéographie je découvre un processus artisanal. Sauf qu’a l’école, on ne m’a jamais enseigné, à aucun niveau, les bienfaits des techniques artisanales : on les a plutôt totalement dénigrées. D’où mon besoin, dans le milieu de l’art contemporain actuel hostile à l’artisanat, de chercher sans relâche à l’expérimenter, à le découvrir, à le faire revivre & donc à le rendre neuf, à actualiser ce rapport au corps, à la technique, au processus du travail artisanal avec l’être profond que je suis. Je suis là, dans Institut de beauté, aux prises avec la technique de la prise de vue vidéographique, dans la nature, avec pour acteur un homme vivant des moments privilégiés dans & avec son domaine, paysage qui est aussi une représentation extérieure de ce qu’il est à l’intérieur, de son rapport profond à la vie. Institut de beauté est un tableau, un portrait de mon père.







merci à     John Deere



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de matériel agricole John Deere



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