Le 25 février 2014 04:45, Gérard Leclerc a écrit :
Le 13 févr. 2014 à 15:29, Sandrine Treuillard a écrit :
Pardonnez-moi, mais c'est un peu par hasard que j'ai pris connaissance de vos textes, à vrai dire suite à une Insomnie. Et j'ai été extrêmement intéressé et touché par tout. Par exemple votre découverte de cet auteur très singulier qu'est Pascal Quignard, et plus encore ce que vous dites de l'immense Édith Stein.
Merci pour votre belle expérience intérieure.
Cordialement,
Le 13 févr. 2014 à 15:29, Sandrine Treuillard a écrit :
Cher Marc,
Je voulais te répondre plus longuement et d'abord te
remercier d'avoir amorcé ce dialogue.
Hier j'étais à ma tâche de gouvernante (d'un enfant de 14
ans dont je m'occupe depuis ses 9 ans), & j'ai profité de la journée d'hier & de la nuit pour
méditer ce que tu m'as écrit.
J'ai en effet "repris à mon compte" une partie
de ce texte de "La Joie de l'Évangile" du Pape François
Le temps est supérieur à l'espace sur
Machina Perceptionis.
Je voulais te répondre en tant qu'artiste.
Mon cheminement intérieur, spirituel, en tant qu'artiste
(qui forme un tout) a été contextualisé dans une époque, une sensibilité sociale puis politique.
Une sensibilité avant tout liée à des lieux & à un sentiment religieux, & d'abord païen, de la
nature dans ces lieux de campagne et de petites villes rurales (le Cher, villages au nord de Bourges, & le Loiret,
Briare-le-Canal, puis à nouveau le Cher, Vierzon).
La petite église romane de mon village d'origine
(Sury-ès-Bois), où j'ai été baptisée à l'âge de un an, a été la première architecture à accueillir & à
canaliser mon sentiment religieux, & la vie mystique qui avait commencé très tôt dans mon
enfance.
Les séances de catéchisme avec une dame du village qui
nous transmettait sa foi & son amour, puis avec le prêtre de la paroisse, & les pèlerinages à la Basilique de Saint-Benoît-sur-Loire,
Vézelay, la visite de la châsse de sainte Bernadette à Nevers, & surtout le
témoignage d'une carmélite au carmel de Nevers, ont encore renforcé cet élan religieux que
j'avais développé naturellement au contact de la nature, de ce Pays Fort, paysan… si bien, que
lors de la profession de foi/Communion, à mes 12 ans, j'entrais tout sourire dans les ordres, devenais l'épouse
de Jésus, avais le grand désir de consacrer ma vie à la religion catholique, carmélite (cloîtrée,
absolument).
Mais la vie en avait décidé autrement.
Je devins femme durant cette douzième année, mon corps me faisait vivre des choses sexuelles dont je
débordais sans les comprendre, ni les maîtriser, avec un grand sentiment de culpabilité, laissée
à moi-même, sans accompagnement personnel qui aurait pu permettre de
canaliser ces énergies & de comprendre ce que la puberté fait vivre à
chacun.
À mes 13 ans, lors de la Confirmation, j'eus l'horrible
sentiment d'être abandonnée de Dieu :
je ne recevais plus ce que je lisais entre les lignes dans
les Évangiles, cet amour de Jésus
qui m'irriguait alors, j'eus le sentiment de trahir
l'Église qui confirmait ma foi en le catholicisme (au passage, une
étymologie du catholicisme : "selon le tout", "cat" :
selon ; "holisme" : le tout).
J'ai vécu depuis lors 21 ans d'enfer sur terre, ce qu'on
appelle la déréliction. L’enfer étant cette coupure d’avec l’Amour de
Dieu.
Au contact de Pascal Quignard, en le lisant, puis en lui
écrivant, j'ai touché à nouveau à ce sentiment religieux de mon enfance & prime adolescence.
En 2005, j'eus quelques expériences de respiration en
apnée.
De ces expériences est née la performance ("Ce qu'il y a de pierre en moi")
à laquelle tu assistas sur l'île Pomègues, & dont les
"Instants Vidéo" ont été l'écrin avec "Par ce passage… infranchi"
initié par Christophe Galatry.
Puis, j'explorais en vidéo cet espace-temps spirituel en
contemplant la nature dans la durée du temps présent.
Je continuais de découvrir Quignard. En lisant "L'être
du balbutiement" (Essai sur Sacher-Masoch), je tombai sur une description de mon processus en
vidéographie qui me subjugua, tant ce qu'il écrivit à l'âge de 20 ans me semblait parler
directement de ce que je vivais en filmant.
Ce passage s'intitule "Sur la question de l'Exspectatio",
une notion d'Augustin d'Hippone (saint Augustin, en Afrique du Nord…).
À la suite de ceci, tout naturellement, je lus les "Confessions"
de saint Augustin.
Et là, c'est en 2007-2008, je fais retour à la source, à l'origine de mon sentiment religieux de la vie. Mais ce
n'est pas encore consciemment déclaré.
Je pars en Sicile & Naples pour la seconde fois en
février 2008. Je ne comprends rien à ce que je vis, à ce pour quoi je suis
là-bas.
À mon retour, je revois Quignard qui me rapporte mes lettres
pour que je les photocopie.
C'est Pâques 2008. J'eus alors une expérience lors d'une
séance de respiration en apnée qui me fit très peur, de l'ordre d'une manifestation spirituelle dans le corps,
un parcours initiatique intérieur en 45 minutes, où un chant s'éleva en moi, une vibration s'augmentant des
pieds à la tête, très musicale, qui se termina par le son le plus aigu que jamais je n'imaginais
que mon corps puisse produire, avec la sensation couplée d'un faisceaux de lumière sortant par
le haut de mon crâne…
Ce fut la dernière respiration en apnée, je décidai de
cesser, j'avais été atteinte par quelque chose qui m'effraya.
Le 21 juin 2008, je rencontre Rémi sur le Marché de la poésie,
place Saint-Sulpice, sur le stand de Jérôme Mauche qui deviendra mon témoin lors de notre mariage
religieux le 14 février 2009.
Rémi avait été lui-même baptisé la nuit de Pâques 2008.
Cet été là, je lui demandai de m'emmener à la
basilique de Saint-Benoît-sur-Loire, attirée par une force irrésistible.
C'est là que j'eus ma "reconversion", quand
je mis si longtemps à franchir le seuil de la basilique, un remuement intérieur inédit, le temps, justement,
n'était pas celui naturel & habituel, & j'avançai sur la gauche, une phrase s'est dite à mon cœur
"J'entre dans la maison du Seigneur" et je m'écroule en pleurs derrière le premier pilier.
Ce que je vis alors, avant de me mouvoir sur la gauche,
immobilisée par l'émotion, je le vis lors de la vision intérieure de cette séance de
respiration en apnée, aux alentours de Pâques :
la nef romane baignée d'une douce lumière…
Je demandai alors à Rémi, qui me ramassa à la petite
cuillère, de rester à l'office du soir des moines bénédictins (les Vêpres). À
la prière du "Notre Père", une grande émotion m'étreint.
Je suis alors accueillie à nouveau par Dieu.
Toutes mes explorations en vidéographie prennent alors
enfin leur sens qui était caché au sein de ma pratique. Filmer, prier & célébrer se confondent, se répondent…
Je suis enfin centrée, rassemblée, unifiée dans mon être entier.
Le social dans tout cela : Lutte ouvrière à l'internat au
lycée de Vierzon de 16 à 18 ans.
Mon père "patron" d'un ouvrier, artisan ébéniste
amoureux de son métier & ne comptant pas ses forces, compagnon du devoir sur le tard, son nom "L'amour du
bois".
Longtemps je lui en ai voulu d'être l'esclave de son
travail, sans percevoir l'amour qu'il déployait à l'exercer (déformation de mon regard due en grande partie au
militantisme obtus de Lutte Ouvrière). Quand j'entrai à 18 ans aux Beaux-Arts de Bourges, j'en étais
là.
J'ai recontacté ma vérité intérieure bien longtemps après
les 7 années qui ont séparé l'entrée & la sortie des écoles d'art. C'est en filmant que j'y ai vraiment accédé. En contemplant.
En écrivant aussi.
La dernière vidéographie "Institut de beauté"
qui date de juin 2012 est un achoppement qui résume assez bien les rapports esthétiques, artistiques, intérieures… au
"loisir" de filmer, au "loisir" de "travailler"
dans la nature, au "loisir" d'observer avec bonheur mon père se
réaliser dans son domaine, La Sourdaie.
Je ne t'avais pas envoyé ce film, un problème technique
jamais résolu m'avait empêchée d'en produire des dvds. Il est entièrement en ligne sur Youtube, & le texte qui l'accompagne sur ce lien est ce que je
souhaitais te donner à lire, qui est en relation avec la société, les événements au sein d'un
processus historique du rapport au travail.
J'ai aussi produit un texte qui fait office de manifeste,
en lien avec la grande phénoménologue allemande, Édith Stein, disciple de Hüsserl, juive convertie au catholicisme, devenue carmélite et
exterminée à Auschwitz en 1942 :
Elle est aussi docteur de l'Église, ses textes sur la
femme, la transmission, l'amour de Dieu sont magnifiques.
Actuellement, je boucle une vidéographie que j'espère
t'envoyer à tant :
il me reste à poser le titre & génériques : "Enciellement
Édith - Etty".
Je pense que ce n'est pas un hasard si tu as répondu à ce
mail "Le temps est supérieur à l'espace", même si nous ne sommes plus, en cette fin de lettre, au
même point qu'en son commencement…
Je te remercie amicalement de m'avoir
"provoquée" à t'écrire tout ceci, et je termine en t'indiquant une autre lecture rafraîchissante :
"Connaître & aimer son pays"…
Car toute ma vie est sous le signe de connaître, reconnaître,
aimer…
Bien à toi, cher Marc,
Sandrine
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Le 17 février 2014 06:47, Marc Mercier a écrit :
Chère Sandrine,
je te remercie d'avoir pris ce temps pour me confier cette histoire de vie. Je perçois quelque chose, je crois, de ton cheminement.
C'est étrange de lire cela depuis la Palestine où je suis en ce moment. J'étais hier à Bethléem et ce soir je dormirai à Jérusalem. Territoire où règne la plus absolue des injustices. Comme à chaque fois où je m'y rends, je reviens chargé du devoir de témoigner, de dire ce que j'ai vu et entendu. Avec cette question : Comment traduire poétiquement et politiquement une colère ?
Je te souhaite une douce journée et t'envoie cette image de bergers de la vallée du Jourdain, rieurs malgré tout,
Bien à toi
Marc
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Échange des mails antéchronologique précédents :
Le
12 février 2014 12:55, Marc Mercier a écrit :
L'essentiel est de cheminer Sandrine.
L'essentiel est de cheminer Sandrine.
Je
ne m'étais pas aperçu dans mon propre cheminement que les classes sociales
avaient disparues. Elles existaient avant Marx, non ? Ce qui est certain,
néanmoins, c'est que cette stratégie des pouvoirs à vouloir faire croire aux
"pauvres gens" qu'ils ont des intérêts communs
"supérieurs" avec ceux qui les saignent, est une "idée"
beaucoup plus ancienne que le communisme, si je ne m'abuse…
Bien
à toi
Marc
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Le
12 févr. 2014 à 12:21, Sandrine Treuillard a écrit :
Bonjour
Marc,
Tu
penses encore comme un communiste,
et
c'est ce qui est révolu…
Je
viens de l'extrême gauche, & j'ai cheminé.
Bien
à toi,
Sandrine
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Le
12 février 2014 09:53, Marc Mercier a écrit :
Bonjour
Sandrine,
j'ai
lu ce texte, mais je trouve étrange que tu puisses le prendre à ton compte.
Ne
serait-ce que ce paragraphe :
"Pour avancer dans cette construction d’un peuple en
paix, juste et fraternel, il y a quatre principes reliés à des tensions
bipolaires propres à toute réalité sociale. Ils viennent des grands postulats
de la Doctrine Sociale de l’Église, lesquels constituent « le paramètre
de référence premier et fondamental pour l’interprétation et l’évaluation des
phénomènes sociaux ». À la lumière de ceux-ci, je
désire proposer maintenant ces quatre principes qui orientent spécifiquement le
développement de la cohabitation sociale et la construction d’un peuple où les
différences s’harmonisent dans un projet commun. Je le fais avec la conviction
que leur application peut être un authentique chemin vers la paix dans chaque
nation et dans le monde entier."
C'est un appel à la
collaboration des classes sociales comme si patrons et ouvriers (pour dire
vite) pouvaient partager un projet commun et former un peuple. Il ne peut y
avoir de peuple que dans l'égalité économique et sociale, sans rapport de
subordination. Ce texte montre surtout que l'Église a toujours été du côté du
sabre, du puissant, appelant les classes exploitées à se soumettre à l'ordre
existant et qu'en récompense de cette sage soumission les portes du paradis
leur seront ouvertes. Je ne comprends pas que l'on puisse croire à de telles
chimères.
Mais bon,
aujourd'hui on entend tellement de choses incroyables qu'on croyait révolues…
Bien à toi
Marc
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Le
10 févr. 2014 à 16:45, Sandrine Treuillard a écrit :
Bonjour,
Ce texte parle si bien de l'expérience du temps
que je suis tentée de le reprendre à mon compte
pour analyser l'expérience du filmage, en vidéographie…
Bien à vous,
Sandrine